«Lâcher prise nous donne la liberté, et la liberté est la seule condition du bonheur. Si, dans nos cœurs, nous nous accrochons encore à quelque chose – à la colère, à l’anxiété ou à des biens – nous ne pouvons pas être libres. » – Thich Nhat Hanh
En 2001, j’étais étudiante de première année à l’université et ma planche de salut pour surmonter l’anxiété était un cours de yoga. C’est plus précisément la plus belle posture que nous appelons savasana, qui me garde saine d’esprit.
Pour ceux qui ne connaissent pas le yoga, savasana – ou posture du cadavre – est une posture d’abandon et de prise de conscience des pensées et des sensations sans jugement, un peu comme la méditation. (C’est la position de quelqu’un allongé sur le dos, en train de faire la sieste.)
À cette époque, le yoga et la méditation étaient encore principalement perçus comme des choses en rapport avec les hippies que font les personnes excentriques. Il n’y avait aucun cours de yoga à proximité de ma ville natale en Alsace, donc je n’avais même pas eu la chance d’essayer le yoga avant mes études. Pour moi à l’époque, la méditation était quelque chose que les moines faisaient sur le flanc d’une montagne.
Sans les trois unités d’éducation physique requis par mon collège, il aurait probablement fallu des années avant que je connaisse la paix que procure la posture savasana.
Le collège a été une période très stressante pour moi, comme pour la plupart des gens. À ce stade, je ne savais pas que ce que j’avais le plus vécu dans ma vie était l’anxiété. Tout ce que je savais, c’est qu’il y avait comme un nid d’abeille en colère dans ma poitrine qui faisait vibrer ma peau.
Le souci que mes parents soient fiers de moi m’avait épuisé. La pensée effrayante d’être appelée au tableau et de ne pas connaître la réponse me hantait. La pression d’être la meilleure de la classe m’écrasait à l’idée de recevoir un B.
Je ne savais pas comment échapper à ces sentiments. Je n’ai pas reçu les outils. On ne m’a pas dit ce que c’était. J’ai été élevée dans une famille où il fallait prendre sur soi et je pensais juste que je devais « faire avec ».
Pour m’évader de cette souffrance intérieure, j’ai commencé à m’infliger des blessures. J’écorchais ma peau avec une lame émoussée ou j’enfonçais mes ongles dans mes bras – non pour abimer ma peau, mais pour avoir une douleur plus tangible sur laquelle me concentrer. Une douleur que je pouvais contrôler, que je pouvais regarder, désigner et savoir d’où elle venait.
Je savais que ce n’était ni constructif ni sain, mais je ne semblais pas avoir les mots pour décrire que je ressentais. Je savais seulement que c’était la meilleure idée que j’avais à l’époque.
Cette «solution» n’a heureusement pas duré longtemps. Bientôt, je découvrais ma planche de salut lors des huit dernières minutes du cours de yoga.
La classe avait lieu sur le sol en béton froid, à peine recouvert de moquette, du sous-sol de mon dortoir. Cela se passait en plein milieu de la journée et cette magnifique posture en fin de séance m’a toujours apporté un bien-être fantastique. C’est la raison pour laquelle j’y suis allée et cela reste mon moment préféré.
Cette paix durait cinq à dix minutes. On me disait d’écouter l’espace entre chaque respiration. Je commençais alors à remarquer qu’il y avait un endroit où je pouvais aller, qui était silencieux et qui ne durait que quelques secondes, même s’il semblait beaucoup plus long.
C’était si tranquille. J’avais parfois l’impression qu’une bouffée de calmants était libérée dans mon cerveau. C’était, fantastique.
Dans ces moments, il n’y avait pas de nid d’abeille, pas de peau irritante, pas besoin de s’échapper. Quelques minutes par jour, trois jours par semaine, je me sentais en paix.
Après quelque temps, je remarquais que cette paix restait en moi pendant le reste de ma journée. Cela me nourrissait.
Mais parfois, je pensais que je me trompais parce que je ne pouvais pas «déconnecter mon cerveau». Je n’avais pas réalisé que je méditais alors. Je ne savais pas vraiment ce que j’apprenais au cours du processus. Je ne savais pas à quel point c’était puissant. Je savais seulement que je me sentais très bien, après.
C’est pourquoi j’écris cet article. Au cours des nombreuses années de pratique méditative depuis ces magnifiques séances dans un sous-sol froid, j’ai appris comment et pourquoi la méditation m’aidait au niveau de mon anxiété, de ma confiance en moi et de ma santé mentale en général.
Si seulement j’avais connu la méditation plus tôt dans ma vie j’aurais recherché un enseignant approprié beaucoup plus tôt, j’en aurais fait une pratique quotidienne plutôt qu’hebdomadaire et j’aurais appris à pratiquer la pleine conscience à même le coussin.
1. La méditation nous enseigne la différence entre nous et nos pensées
Lorsque nous méditons, nous apprenons à remarquer quand une pensée surgit, lorsqu’elle attire notre attention et que nous sommes absorbés par elle. Une fois que nous avons pris conscience de cela, nous reportons notre attention sur un point de focalisation.
En apprenant la méditation, vous serez initié au concept que vous n’êtes pas vos pensées, qu’elles ne sont pas toutes les mêmes.
Cette idée m’a interloquée quand je l’ai entendue pour la première fois : « Si je ne suis pas mes pensées, alors qu’est-ce que je suis ?? »
Certains l’appellent notre conseiller, d’autres notre moi intérieur ou notre âme. Je l’appelle juste moi.
Pensez à votre cerveau comme à un autre organe de détection. Les yeux voient, les oreilles entendent, le cerveau pense. Vous n’êtes pas vos pensées comme vous n’êtes pas les choses que vous voyez.
Nos cerveaux produisent des idées, pas des vérités. Une pensée est simplement une phrase construite par les neurones dans notre cerveau. C’est à nous de décider si nous croyons cette pensée ou si nous voulons en choisir une autre qui nous semble plus fidèle à nous-mêmes et à nos valeurs.
Lorsque nous différencions les deux – il y a moi et il y a mes pensées – cela nous donne le pouvoir de choisir. Nous ne devons pas nous soumettre aux idées que nos cerveaux nous livrent ni en être victimes.
Quand des pensées comme «je mange» ou «je ne peux pas gérer ça» ou «personne ne m’aime» me viennent à l’esprit, ce ne sont pas des vérités, ce sont des idées que mon cerveau me propose.
C’est à nous de reconnaître que c’est une pensée, et non pas nous-mêmes. Nous pouvons choisir de la croire ou de la remettre en question, de la recadrer et de trouver une pensée qui nous est plus utile.
La méditation est une pratique qui développe plusieurs aptitudes telles que remarquer une pensée, la prendre pour ce qu’elle est, et s’en distancer suffisamment pour définir que faire en suite.
2. La méditation nous apprend à lâcher prise aux pensées et améliore le sommeil
« Mon cerveau va-t-il se taire !!! » ai-je dit à mon médecin quand je lui ai demandé quelque chose pour m’aider à dormir.
La méditation est comme un entraînement pour votre cerveau ; sauf que, au lieu de soulever des poids pour développer vos muscles, vous créez des pensées pour renforcer votre esprit.
Lorsque nous méditons, nous remarquons que des pensées surgissent, puis nous ramenons doucement notre conscience. Cette conscience peut être dans notre souffle, dans les sensations de notre corps, dans le son d’un mantra ou la vision d’un mandala. C’est une ancre qui nous ramène au moment présent.
Ensuite, votre esprit s’égare de nouveau, vous le ramenez à l’instant présent et ainsi de suite.
C’est comme faire des séries au gymnase. Vous renforcez les «muscles» qui ramènent votre esprit à l’instant présent, vous donnant ainsi plus de contrôle sur la direction de votre attention.
Au fil du temps, votre capacité à laisser vos pensées s’en aller, en particulier celles qui ne vous sont pas utiles, grandit. Il est ainsi plus facile de s’endormir, de sortir d’une déprime, de se vider l’esprit et de trouver des moments plus paisibles dans la vie.
Les pensées, les inquiétudes, la rumination, la peur, nous empêchent de dormir la nuit. Ces types de pensée sont devenus si habituels pour moi qu’il m’a même semblé impossible d’y lâcher prise pendant que je m’endormais.
En apprenant à se libérer des pensées qui tournent sans cesse dans notre tête, nous pouvons nous endormir.
3. La méditation nous enseigne la compassion envers nous-mêmes et la patience.
La méditation est un concept assez simple, mais il n’est pas toujours facile à appliquer, surtout lorsque nous débutons à peine.
Les pensées vont et viennent tout le temps. C’est ce que font nos cerveaux – c’est l’un de ses rôles, de nous donner des idées. Lorsque nous méditons, nous nous rendons compte que nous pensons continuellement : « Ah, c’est une pensée. »
Apprendre à ne pas s’attacher à une pensée demande de la pratique, et la pratique prend du temps.
Tout comme vous ne pouvez pas vous forcer à vous endormir, vous ne pouvez pas vous forcer à aller plus loin dans la méditation. Vous lui permettez seulement de se produire. Cela requiert de la patience.
Beaucoup de nos inquiétudes viennent de l’impatience de profiter d’une opportunité qui risque de disparaître ou d’obtenir quelque chose dans le futur pouvant nous rendre heureux.
Avec la pratique, la méditation nous enseigne l’acceptation.
Il peut arriver que vous ayez l’impression de penser sans arrêt pendant que vous méditez et que vous trouviez cela frustrant, comme si vous faisiez quelque chose de façon erronée.
Ou bien vous méditez depuis un certain temps et vous sentez que vous devriez «avoir» progressé plus rapidement dans votre capacité à ne pas vous attacher si souvent à vos pensées.
Mais, à travers la pratique, nous apprenons qu’il faut être bon avec nous-mêmes et accepter que c’est ainsi que fonctionne notre cerveau, que cela ne vient pas de nous.
Il faut de la compassion vis-à-vis de nous-mêmes pour accepter le moment présent tel qu’il est, surtout lorsque le moment présent ne nous convient pas.
4. La méditation nous apprend à être moins dans le jugement
Nous sommes constamment en train de nous juger et de juger les autres. Nous mettons des étiquettes telles que «bon» ou «mauvais» sur des personnes en fonction de leurs actions ou de leur apparence.
Le jugement nous sépare des autres. Il nous isole.
Quand on se juge, on fait la même chose. Nous nous séparons des autres. Nous pourrions avoir l’impression d’être mauvais parce que nous ne sommes pas assez beaux, intelligents ou talentueux. Ce jugement nous place dans une case, séparée des autres, qui nous isole.
Le non-jugement est une partie importante de la méditation, en particulier de la méditation de pleine conscience.
La pleine conscience consiste à prêter attention, délibérément, à l’instant présent, sans jugement. Cela signifie expérimenter sans poser une étiquette sur quelque chose ou quelqu’un.
Rien n’est bon ou mauvais dans l’instant, c’est, voilà tout. Une pensée en soi n’est ni bonne ni mauvaise. Ce ne sont que des mots ou des images, juste une idée fugace. Elle n’a de sens que si nous choisissons de lui en donner un.
Lorsque nous méditons, nous regardons nos pensées, nous observons nos sentiments, nous écoutons nos sensations corporelles. Mais on ne les juge pas.
Nous les abordons avec curiosité : « Tiens, je me suis senti triste quand mon estomac a gargouillé. » Puis nous revenons à la respiration.
5. La méditation nous apprend à ne pas fuir nos sentiments et à devenir confiants
Pendant la méditation, nous ressentirons des émotions surgir. Certaines seront agréables, d’autres non. Mais puisque nous apprenons à ne pas juger ces choses, nous apprenons aussi à les laisser se produire.
Lorsque nous éprouvons des émotions désagréables – peur, colère, tristesse, irritation – nous voulons naturellement les éviter, les cacher ou les faire taire avec de la nourriture, de l’alcool, des drogues ou la télévision.
Nous sommes attirés par le confort, parce que dans nos esprits, il est synonyme de sécurité.
Mais les émotions ne sont pas des choses qui peuvent nous nuire physiquement. Elles peuvent provoquer des tensions musculaires, des nausées, de la chaleur, une sensation de lourdeur… mais aucune blessure physique ne peut être provoquée directement par une émotion.
Lorsque nous ressentons une telle émotion, nous nous disons : «Je ne veux pas ressentir cela. Je ne devrais pas ressentir cela. C’est dommage de ressentir cela », et cette résistance nous fait souffrir davantage.
C’est comme être frappé par une deuxième flèche. La première flèche a provoqué l’émotion négative. Cela se produit et cela fait partie de nos vies – nous sommes censés faire l’expérience d’une gamme d’émotions, à la fois agréables et désagréables.
La deuxième flèche, cependant, est évitable. La douleur est incontournable, mais nous pouvons éviter la souffrance. Lorsque nous résistons à ce sentiment négatif, au lieu de l’observer et de lui permettre d’être et de circuler à travers nous, nous nous causons plus de douleur.
Nous devons accueillir ces sentiments, les laisser passer et les regarder passer. Nous sommes témoins de la façon dont une pensée ou un sentiment peut ne pas nous nuire. Ils ne font que passer.
C’est une aptitude qui nous confère du pouvoir parce que cela nous donne l’impression de pouvoir tout gérer. Cela renforce notre confiance, parce que la confiance est simplement la volonté de vivre une émotion négative.
6. La méditation peut vous aider à rompre vos habitudes et à réorganiser littéralement votre cerveau avec de nouveaux schémas
Saviez-vous que vos pensées peuvent littéralement structurer votre cerveau ? Ce que vous pensez et ce que vous vivez modifie les connexions dans votre cerveau.
Les pensées et les comportements forment des connexions neurologiques. Si nous faisons quelque chose assez souvent ou si nos actions aboutissent au résultat souhaité, le cerveau dit : «Hé, gardons cela comme une habitude». C’est comme sauvegarder un programme informatique.
L’inquiétude, la rumination, l’anxiété, le stress et même la rêverie peuvent devenir des habitudes.
Le cerveau aime les habitudes. Cela l’aide à fonctionner plus efficacement. Si vous avez fait quelque chose dans le passé et que cela a fonctionné même un peu, il la conservera dans une zone du cerveau pour qu’elle y soit en sécurité.
Par exemple, la rumination peut être une habitude. Si par le passé vous vous inquiétiez de quelque chose et que vous sentiez qu’il était utile d’anticiper un problème éventuel, le cerveau a pris cela comme une réussite et le tour est joué ! Vous avez contracté l’habitude de vous inquiéter.
À l’avenir, votre cerveau utilisera ce programme lorsque surviendra un événement stressant, car ce sera plus facile et plus efficace que de proposer une nouvelle idée à partir de rien.
Tout comme il vous faudrait beaucoup d’efforts pour réapprendre à conduire chaque fois que vous montez dans une voiture, vous enregistrez ces comportements et exécutez automatiquement ce programme une fois que vous êtes assis au volant.
La méditation restructure le cerveau grâce à sa neuroplasticité, c’est-à-dire la capacité du cerveau à créer de nouvelles connexions (vous pouvez apprendre à un vieux chien de nouveaux tours !). Les habitudes commencent alors à se briser et nous commençons à avoir plus de contrôle sur ce que nous pensons, ce que nous ressentons et ce que nous faisons.
Je pense que c’est la partie la plus sympa de la méditation. Cela nous permet finalement de réagir aux situations de la manière que nous choisissons au lieu de toujours réagir automatiquement avec nos anciens schémas émotionnels négatifs. Cela nous permet de devenir pleinement la personne que nous savons que nous sommes, la personne que nous voulons être.